Le contenu de ce discours reflète les réflexions et opinions personnelles de l’auteure, fondées sur son expérience au sein de l’Association des Scouts du Canada, et s’inscrit dans une démarche de partage, de bilan et d’inspiration. Il ne constitue pas une prise de position officielle de l’organisation ou de ses instances.
Pas envie de lire? Regardez l’enregistrement du discours !
J’ai adoré passer cette journée avec vous à entendre vos idées, vos opinions, en plongeant dans le vif de sujets pas toujours faciles, mais essentiels. C’est un autre de ces sujets que j’aborde ce soir avec vous : le sujet de la qualité du scoutisme.
Notre planification stratégique 2023-2026 a un axe « qualité du scoutisme » qui définit l’objectif comme « Un programme des jeunes mis à jour, innovant et inclusif appliqué adéquatement et à travers toute l’association ». Ayant travaillé longtemps sur ce sujet, je voulais prendre la peine de le creuser avec vous.
En me tenant ici devant vous, je ressens une profonde gratitude en pensant à tout ce qu’on a accompli ensemble et tout ce qui va continuer.
Alors je commence par ceci : je vous annonce qu’à la fin de juin 2025, après six ans comme employée et trois ans à la direction du développement du scoutisme, je vais quitter mon poste et l’Association des Scouts du Canada. Vous pouvez imaginer l’émotion d’être ici. Je ne pars pas fâchée ; après 6 ans, je suis prête pour de nouveaux projets professionnels et personnels. En juillet, je déménage en Allemagne. Ce sera pour travailler, faire une maîtrise, apprendre l’Allemand, et rejoindre des ami.e.s.
Et je vous rassure, ça fait plusieurs mois que la direction générale le sait et on a déjà un plan solide de relève en place dont je vous parlerai à la fin de mon discours.
Ce choix est un facteur important qui m’a poussé à monter sur scène ce soir pour vous parler de la qualité du scoutisme. Ce soir, je veux vous partager 10 leçons collectées à travers 12 ans d’implication nationale.
La première et plus essentielle leçon que j’ai apprise sur la qualité du scoutisme : ça ne repose pas sur le dos d’une personne, mais sur nous tous et toutes. Et si je sens que je peux partir dans 3 mois, c’est parce que je sens sincèrement que j’ai de la relève dans l’ASC pour continuer ce travail. Et, surtout, ce soir, je veux parler de votre rôle dans la suite du travail, même une fois que je suis partie.
Ce soir, pour vous parler de la qualité du scoutisme, je voulais commencer avec une histoire personnelle.
Mon intérêt pour la qualité du scoutisme a commencé quand j’étais membre jeune. À 17 ans, j’ai failli quitter le mouvement. Depuis mes 7 ans, j’avais toujours trouvé ma place : un milieu qui me défiait, m’aidait à grandir et à développer mon leadership. Quand 7 amis et moi avons voulu ouvrir un poste pionnier après 3 incroyables années aux Éclaireurs, on a reçu un refus du district. Peu à peu, mes amis sont partis. Je suis restée aux nouvellement créés « aventuriers », mais à reculons, et de manière mal encadrée. Notre dernier camp a été si chaotique qu’il s’est terminé prématurément après l’intervention du district et d’un travailleur social. Dans le stationnement du local, en larmes et en colère, j’étais prête à quitter pour de bon.
C’est là qu’une commissaire m’a tendu la main : « Il y a de meilleures expériences possibles. Laisse-moi te mettre en contact avec la responsable des Routiers du district. » J’ai suivi son conseil, et la suite… c’est ce qui fait que je suis ici aujourd’hui.
Si je vous raconte cette histoire, c’est parce que j’y ai vécu ce qui façonne la qualité du scoutisme : la compétence des bénévoles, le soutien aux groupes, l’impact des décisions administratives.
Et malheureusement, mon histoire n’est pas unique. Ce genre de situation a continué d’arriver depuis 13 ans. Aujourd’hui, je vois trop de jeunes et bénévoles quitter, non par manque de motivation, mais parce que l’environnement est devenu épuisant, toxique, ou non pertinent pour leur vie.
Ma deuxième leçon apprise : assurer la qualité du scoutisme, c’est un travail constant. Il faut continuellement creuser le pourquoi et comment on crée de belles expériences, et ne pas lâcher prise.
Alors à 17 ans, ma quête a été lancée pour essayer de comprendre la qualité du scoutisme, de notre offre pédagogique. Qu’est-ce que ça veut dire offrir un scoutisme de qualité ? Comment on le mesure pour savoir si on l’a réellement atteint ?
Commençons par un exercice.
Plusieurs personnes ici dans la salle ont déjà été scouts, ou ont déjà animé. Prenez un instant. Repensez à un de vos plus beaux souvenirs scouts. Qui était là ? Où étiez-vous ? Qu’est-ce qui se passait ? Essayez de revivre les émotions de ce moment…
Depuis plus de 110 ans, on motive nos jeunes, nos bénévoles via un sentiment d’appartenance et d’inclusion : une communauté de valeurs partagées. De mon côté, quand je me sens perdue dans les chiffres et les opérations, je pars en camp et me reconnecte à ce sentiment.
Ce sentiment est ma troisième leçon : peu importe quelles définitions et mesures on finit par avoir, la qualité c’est avant tout ces émotions.
Mais quand on prend un pas de recul de ce sentiment, comment est-ce qu’on définit un scoutisme qui « réussi » ? Et qui a le mot final sur la définition ?
Est-ce que c’est moi ? J’ai des idées, mais certainement pas juste une personne…
Est-ce que ce sont nos commissaires ? En 2010, le comité Wei Ji composé de commissaires nous proposait ces idées pour évaluer la qualité :
Une bonne addition à la définition !
Est-ce que ce sont nos bénévoles ? Ils et elles côtoient les jeunes continuellement, voient ce qui les fait bien réagir, grandir, et développer leurs compétences et valeurs. Ils ont une partie de la réponse.
Est-ce que ce sont les parents ? Qu’on le veuille ou non, les critères de qualité des parents sont importants. Ils ont l’embarras du choix pour leur jeune et veulent du service. Si on les ignore dans la qualité de notre offre, on perd des membres.
Est-ce que ce sont les jeunes eux-mêmes qui définissent la qualité du scoutisme ? On passe à côté de l’essentiel si on parle de qualité sans les inclure. Est-ce que le scoutisme leur donne envie de rester ? Si la réponse est non, c’est qu’on a manqué notre coup. Mais on ne peut pas non plus tout faire reposer sur leurs épaules. Dans une société qui valorise le consommateur passif plutôt que le citoyen actif, il est normal que les jeunes soient attirés par ce qui amène une gratification instantanée, comme font les jeux vidéo et les médias sociaux. La qualité du scoutisme ne consiste pas simplement à créer l’espace le plus amusant ou le plus « cool », mais à bâtir un environnement enrichissant.
Alors voici ma quatrième leçon sur la qualité du scoutisme : la définition de la qualité du scoutisme repose sur la définition du « citoyen actif » qu’on veut créer, qui est au cœur de notre mission. Le scoutisme de qualité est atteint lorsque notre programme donne aux jeunes des compétences pour leur vie, les rend responsables dans la société que nous avons, et leur donne les outils dont ils ont besoin pour réussir aujourd’hui.
Baden Powell disait en 1919 :
« L’objectif du scoutisme est de saisir le caractère du garçon dans son stade d’enthousiasme brûlant, de le façonner correctement, et d’encourager et développer son individualité — afin qu’il puisse s’éduquer lui-même pour devenir un homme bon, un citoyen précieux pour son pays. » — Baden Powell of GILWELL, 1919, Aids to scoutmastership.
Par contre, même s’il y a des aspects sur lesquels on s’entend, lui et moi avons des définitions différentes de ce qu’est un « homme bon et citoyen précieux pour son pays. »
Et c’est correct, ce n’est pas juste moi : la société entière a des définitions différentes de ce qu’est la citoyenneté active qui n’est plus la même que 1907 quand Scouting for boys a été publiée.
Premièrement, la jeunesse a changé. On l’a vu dans la présentation hier soir : la jeunesse canadienne francophone aujourd’hui est diverse : elle est issue de l’immigration, elle est queer, elle est anxieuse, elle accepte plus le handicap ou la neurodivergence…
Deuxièmement, les outils et compétences qu’ils et elles nécessitent ne sont plus les mêmes. Les techniques de survie, l’observation et la capacité à suivre des ordres ne sont plus aussi importantes que l’intelligence émotionnelle, la navigation numérique et la pensée critique.
Troisièmement, comme société, plusieurs valeurs qu’on cherche à développer chez les jeunes ont changé. La galanterie, la discipline, l’honneur, la révérence, la loyauté, l’obéissance laissent place au respect, à l’inclusion, à la justice.
Oui, certains trucs ne changent pas. Comme société, on valorise encore le dépassement et la confiance. La jeunesse cherche encore l’approbation des autres, un sentiment de communauté, de raison d’être, des mentors pour s’inspirer, et elle a besoin de bouger et d’apprendre. Dans notre méthode scoute, le système de mentors, l’utilisation de petits groupes, les projets… ça fonctionne encore.
Et pourtant, j’ai vu d’innombrables rencontres et événements scouts dans les 12 dernières années où on promouvait les mêmes valeurs et qu’on utilisait encore les mêmes outils qu’on utilisait il y a 10, 20, 50 ans… D’animateurs qui ne veulent pas changer, ou ne savent pas comment changer. Notre programme doit refléter cette nouvelle citoyenneté pour rester pertinent.
Dans une époque de polarisation et d’extrêmes, je veux voir plus de jeunes qui ont réellement imprégné les valeurs du mouvement. Qui font preuve de respect pour eux-mêmes, les autres, et l’environnement. Qui se font confiance. Qui se dépassent et trouvent des solutions créatives à la souffrance humaine. Qui agissent avec les autres pour un monde plus ouvert, juste et solidaire. Qui sont la référence de débrouillardise et d’initiative dans leur milieu scolaire ou professionnel. Qui « leadent » de manière empathique et inclusive. C’est la citoyenneté dont nos jeunes ont besoin. Un scoutisme de qualité se reconnaît à ces jeunes qui osent.
Mais comment on mesure ça ? On ne peut pas mesurer la qualité du scoutisme comme on mesure une note scolaire ou la longueur au micromètre d’un écrou. Il ne suffit pas d’un chiffre ou d’un indicateur unique.
Ma cinquième leçon sur la qualité du scoutisme : l’ultime mesure de la qualité du scoutisme est l’effet que le programme a sur ceux et celles qui le vivent. Avant tout, c’est de mesurer si le scoutisme remplit réellement sa mission d’éducation et de transformation des jeunes.
Comment fait-on ça ?
Je vous le dis : je suis fan de mesures et données, et j’ai vu et j’ai utilisé plusieurs différents outils que j’espère peuvent continuer à nous aider :
Autant j’aurais pu faire tout ce discours sur comment mesurer la qualité, je vais revenir à l’essentiel : pour être en constante amélioration, on doit chacun, à son niveau, utiliser ces outils pour mesurer et évaluer la qualité. Non pas pour punir, mais pour apprendre, progresser et innover ensemble. Si on demande aux jeunes de toujours s’autoévaluer et de progresser, on peut le faire nous aussi comme organisation.
Si j’arrête de parler de manières de mesurer, c’est parce qu’on a des outils à notre disposition… mais qu’est-ce qu’on fait avec ?
On tombe à ma sixième leçon, et celle que j’ai le plus apprise comme directrice à l’ASC : le plus grand enjeu que nous avons sur la qualité du scoutisme est la différence entre nos idéaux et la mise en opération sur le terrain.
J’ai une vieille BD scoute sur mon babillard au bureau :
« Pourquoi il a quitté le scoutisme ? Il croyait que ce serait comme ceci… Mais c’était le contraire. »
On n’offre pas simplement un produit, mais une expérience. On peut avoir le meilleur programme du monde, les théories les plus solides sur la qualité, les idées les plus brillantes… mais si la mise en œuvre ne reçoit pas autant de soin et d’attention que le développement, alors on ne livre pas la qualité.
Cette partie de mes leçons je les ai intitulées « opérationnaliser la qualité du scoutisme. »
Pour ceux et celles qui me connaissent, je vais être celle à la table qui va demander : « Parfait, comment on opérationnalise ça ? »
Et j’ai quatre leçons liées aux opérations :
Passons à travers.
Ma septième leçon est qu’on doit se tenir redevables pour la qualité de ce qu’on livre.
J’ai appris que souvent la première question à se demander c’est qui : qui est redevable pour que ça se fasse, et que ça se fasse bien ?
On a tous une responsabilité à jouer, car on revient à la leçon 1 : la qualité du scoutisme repose sur nous tous et toutes. Mais avant tout, la qualité livrée vient de nos animateurs et animatrices. Un scoutisme de qualité, ça passe par des adultes de qualité.
Côtoyer des adultes de qualité a été l’un de mes plus grands plaisirs de ces 12 dernières années. Ils et elles ont inspiré, respecté et challengé les jeunes, montrant l’exemple dans leurs actions et valeurs. Ils et elles ont ouvert des horizons et permis aux jeunes de prendre le lead, créant un environnement sécurisé et un sentiment de communauté durable. Je pourrais vanter nos bénévoles pendant des heures, car je crois sincèrement que nous avons certains des meilleurs bénévoles de tous les mouvements.
Mais malheureusement, on va se le dire : on a aussi des adultes poches. Des adultes qui ne respectent pas les valeurs du scoutisme, en quête de pouvoir, centrés sur leurs propres désirs ou traditions, qui ne respectent pas les besoins des jeunes ni leur diversité. Quand j’ai écrit le texte en décembre « Est-ce qu’un adulte dans le scoutisme est un scout ? », c’était pour rediriger la conversation vers l’important : un adulte peut tout à fait se considérer comme scout s’il est un modèle des valeurs scoutes, mais avant tout, il ou elle doit s’assurer d’accomplir sa fonction dans livrer notre mission : le développement intégral des jeunes francophones de 7 à 25 ans au Canada.
« Mais Isabelle, ce sont des bénévoles… on ne peut pas trop leur en demander ! »
Je l’ai entendu… souvent. Et je ne suis pas entièrement d’accord.
Qu’est-ce qu’on dit, dans ce cas, au jeune qui vit une horrible expérience scoute ?
Que le plaisir et le confort du bénévole passent avant son bien-être à lui ?
Qu’on le confie à un adulte qui ne reflète pas les valeurs qu’on veut lui transmettre — fais ce que je dis, pas ce que je fais ?
Que c’est normal, acceptable même, qu’il vive un scoutisme qui ne lui ressemble pas… et qu’il parte ?
Être bénévole, c’est un choix. Un choix magnifique, exigeant, qui a un impact réel sur les jeunes. Mais qui a avant tout une fonction et une qualité à livrer.
Mais je le sais… peu importe si c’est un bénévole ou un professionnel : tenir quelqu’un redevable peut être effrayant. Ça implique de clarifier les attentes, demander des résultats, offrir soutien et développement quand la qualité n’est pas au rendez-vous, et prendre des décisions claires quand ça ne fonctionne pas.
On le doit aux jeunes d’être autocritique. Des fois, je pense sincèrement qu’on est mieux de ne pas livrer de scoutisme, que de mal livrer du scoutisme. Mieux de ne pas animer, que d’animer mal. Ce n’est pas obligé d’être une solution permanente, mais peut servir de moment pour trouver des solutions. Chaque fois qu’on sacrifie la qualité, on sacrifie notre mission, et on fait partir des jeunes et bénévoles qui deviennent des anti-ambassadeurs.
D’où vient la majorité de notre membership ? Nos sondages nous le disent : de bouche à oreille. Et dans une société où les parents ont l’embarras du choix, on n’est plus le seul loisir du village. Nos clients vont aller chercher de la qualité ailleurs.
« Offrez-lui de la qualité. C’est la meilleure publicité. » — Milton S. Hershey
Mes collègues qui travaillent en marketing, en communications, en développement financier pourront en témoigner… peu importe à quel point on met de l’argent à vendre notre programme, si la qualité n’est pas au rendez-vous, on n’aura pas ni l’impact désiré, ni la reconnaissance et la croissance désirée.
Mais ça ne veut pas dire qu’on écarte un bénévole dès qu’il fait une erreur — au contraire, ce serait un échec de notre part. C’est justement là que notre rôle d’encadrement prend tout son sens. Un bénévole qui n’a pas encore les compétences requises pour sa fonction, mais qui a la volonté de progresser — comme on le demande à nos jeunes — peut apprendre et évoluer. Et s’il n’y arrive pas, peut-être qu’une autre fonction lui conviendrait mieux.
La récente discussion sur la révision de la politique d’encadrement des adultes a soulevé des points très pertinents, en particulier sur le rôle de nos responsables dans l’accompagnement des membres de leur équipe. Nos responsables doivent placer le développement des adultes au cœur de leur fonction, sans perdre de vue la qualité du scoutisme livré sur leur territoire. Tous les outils de mesure qu’on a évoqués plus tôt n’ont de valeur que s’ils sont utilisés activement par ces responsables. Plus ils seront utilisés, plus ça se fera de manière intuitive.
Et je m’adresse ici à une salle de responsables. Peu importe votre niveau, vous avez tous la responsabilité de superviser des adultes qui, eux, livrent, ou ne livrent pas, sur la qualité du scoutisme. Quand on tolère des comportements qui contredisent nos valeurs, quand on laisse les ego prendre le dessus ou qu’on perd de vue notre mission et les besoins des jeunes, on laisse la qualité se détériorer. Nos jeunes méritent mieux.
« Isabelle, c’est parce qu’on n’a pas assez de bénévoles qu’on doit tolérer les mauvais ! »
J’ai de l’empathie pour cet enjeu. Mais ça nous lie aussi à ma prochaine leçon. Regardons les chiffres.
En date de jeudi le 3 avril 2025, on a 3 596 adultes recensés et 10 393 jeunes. C’est un ratio de 1 adulte pour 2.9 jeunes.
Dans nos adultes, si on compte toutes les fonctions et non les personnes, on a 1 497 fonctions d’administrateurs et 2 913 fonctions d’animateurs. C’est un ratio de 1 personne qui soutient la structure, pour 1.9 adulte qui intervient auprès des jeunes.
Notre structure est lourde. Nos bénévoles nous le disent. Nos rapports et consultations nous le disent.
J’étais aussi très contente de témoigner des belles réflexions dans l’atelier de cet avant-midi, car ça montre qu’on avance la discussion. (Note : référence à l’atelier « Repenser la structure de services » durant les assises 2025)
Mais je vais me concentrer sur le rôle de la structure dans la qualité du scoutisme.
Ma huitième leçon sur la qualité du scoutisme: le noyau de la qualité, c’est l’unité et son groupe.
Dans ses conclusions et recommandations en 2009, le comité mandat des districts, auquel certains d’entre vous ici ont contribué, disait :
« Le Groupe est l’enfant pauvre de notre organisation. (…) Nos grandes difficultés telles que la rétention des jeunes, le passage des jeunes d’une branche à l’autre, une animation de qualité, des unités viables et efficaces et le développement du scoutisme sur le territoire sont des difficultés qui se vivent au niveau des groupes et qui ne pourront se régler qu’au niveau des groupes. Le palier national et les districts peuvent supporter les groupes, mais n’arriveront jamais à régler efficacement et globalement ces difficultés à leur place. »
– Comité mandat des districts, Conclusions et recommandations, 2009
Je pense sincèrement que c’est tout aussi pertinent aujourd’hui que ce l’était il y a 15 ans. Les groupes ont besoin de pouvoir démocratique dans les décisions qui les concernent, de soutien continu, d’outils innovants et de reconnaissance pour leur rôle essentiel et bons coups.
Et parlons plus de ces outils innovants dont ils ont besoin.
Ma neuvième leçon sur la qualité du scoutisme : elle passe par l’innovation, et l’innovation, ça implique des changements qui doivent être gérés de manière empathique.
Un scoutisme de qualité, c’est un scoutisme vivant, innovant et ancré dans les réalités des jeunes d’aujourd’hui. Trop souvent, j’ai vu des groupes recycler les mêmes plans de camp, les mêmes activités, les mêmes lieux… depuis plus de 20 ans. La transition vers la nouvelle pédagogie Castors nous a aussi montré à quel point il peut être difficile de repenser nos façons de faire. Mais les groupes qui font la meilleure job sont ceux qui s’adaptent, qui abordent les enjeux actuels, qui parlent leur langage — tout en restant fidèles aux valeurs du scoutisme.
C’est fou comment plusieurs de nos membres ont peur de ça, le changement ! On ne s’inquiète pas, on n’est pas les seuls, c’est dans la nature humaine. Et malheureusement, autant au national qu’au district, on n’a pas toujours été bons à gérer le changement !
Quand je suis arrivée en poste, j’ai été frappée par le nombre de projets commencés, mais jamais livrés, ou qui n’ont pas livré la valeur espérée.
Alors, j’ai amené mon bagage de gestionnaire de projet PMP à l’ASC, avec une idée claire : livrer de la valeur aux membres. Depuis trois ans, l’équipe du développement du scoutisme travaille en mode agile. Ça veut dire :
Notre objectif : innover, oui — mais toujours au service du terrain. Et toujours avec de l’empathie dans la gestion du changement. Et je suis extrêmement fière de toute l’équipe nationale, professionnels et bénévoles, de tout ce qu’on a développé, testé et livré comme projets :
Et ça, c’est sans inclure les autres projets en cours, et tous les services et le soutien personnalisé offert.
Un projet qui me tient particulièrement à cœur pour la qualité du scoutisme, c’est l’innovation du programme des jeunes. Nicolas et Sabrina ont fait un incroyable travail cet après-midi et ont donné le ton ! Si chaque personne ici continue avec cette attitude, on va s’amuser avec ce projet ! (Note : référence à l’atelier « Renouvellement du programme des jeunes » durant les assises 2025).
Depuis 15 ans, on avance une pédagogie à la fois… mais il est temps de penser le programme comme un tout, pas comme 6 branches séparées. C’est un parcours de développement continu, qui accompagne les jeunes pendant près de 20 ans. Trop souvent, les unités fonctionnent en silo, sans penser à la transition entre les branches. Réviser le programme, c’est une occasion unique de réaligner notre offre, de s’assurer qu’elle répond aux réalités d’aujourd’hui, tout en restant fidèle à notre mission.
C’est un projet mobilisateur, porteur, et une belle chance d’avancer ensemble, dans la même direction. Une occasion de travailler ensemble sur la qualité.
Et j’arrive maintenant à ma dixième et dernière leçon : la qualité du scoutisme, ça passe par les jeunes eux-mêmes, impliqués et engagés.
Il y a un an j’aurais dit « rien pour nous, sans nous », mais maintenant que j’ai 30 ans, je dois accepter que je ne compte plus dans nos statistiques de jeunes adultes (note : 29 ans et moins) ! Mais je le crois encore fondamentalement.
L’engagement jeunesse a une double valeur : il permet à l’organisation de mieux comprendre ceux qu’elle sert et d’adapter son programme, tout en développant chez les jeunes les compétences de citoyenneté active, au cœur de notre mission.
Une organisation sera toujours en retard sur les besoins des jeunes. Donc nous devons faire de notre mieux pour suivre. Soyons autocritiques. Prenons le temps d’écouter, de comprendre, et sachons quand céder notre place. Et préparons notre relève. Partir sans la préparer risque d’affaiblir la qualité du scoutisme.
C’est pourquoi nous développons un programme de mentorat, pour assurer une transmission efficace des savoirs, que ce soit pour nos jeunes bénévoles nationaux ou pour tout bénévole avec nos conseillers en apprentissage.
Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que des adultes m’ont fait confiance et m’ont donné la chance de prendre le lead. Et si je pars, c’est avec la certitude que la relève est prête.
Je vous laisse avec mes leçons, car je sais que chacun d’entre vous reprendra le flambeau. Mon aventure comme directrice du développement du scoutisme touche à sa fin, mais le travail pour un scoutisme de qualité ne s’arrête jamais. Si ces réflexions résonnent en vous et que vous voulez les porter plus loin, nous vous invitons à postuler pour le poste.
La date limite pour postuler sera le 5 mai. Les entretiens seront roulants en avril et mai, et juin sera pour l’intégration. Au besoin, je vais aussi rester après à temps limité pour assurer le reste de la passation.
Je sais qu’il y a ici des personnes incroyablement qualifiées. Ne regardez pas quelqu’un d’autre… C’est peut-être de vous dont on a besoin.
Quant à moi, mon engagement ne s’arrête pas. Cet été je suis au MOOT ! Où que je sois — dans un groupe scout, une association nationale ou internationale, comme consultante ou autre — le scoutisme restera au cœur de ce que je fais. J’espère devenir conseillère en apprentissage, et qui sait, peut-être que mon cycle de vie scoute me ramènera ici un jour.
À 17 ans, j’étais en colère contre la qualité du scoutisme. À 30 ans, je m’adresse à vous en sachant qu’on a avancé ensemble. Rien de tout cela n’aurait été possible sans vous. Merci aux commissaires, aux présidents et présidentes. Merci à l’équipe du centre national, l’équipe de direction. Merci à Vincent et Valérie. Merci à l’incroyable équipe du développement du scoutisme avec qui on a tellement travaillé et discuté. Merci à tous les bénévoles dans nos comités nationaux et sur nos tables. Merci à mes mentors, les bénévoles, les jeunes.
La qualité du scoutisme, ce n’est pas un produit ou un indicateur : c’est une somme d’expériences, d’émotions, d’impacts. C’est un travail continu d’écoute, d’évaluation, et d’ajustement.
Mon aventure comme directrice dans l’ASC s’arrêtera bientôt, mais le projet de la qualité du scoutisme continue avec vous.
C’est ça être un mouvement, c’est avancer.
Merci.